Souveraineté numérique : Au delà de l’expression

Souveraineté numérique – un enjeu stratégique à l’ère du cloud globalisé
À l’heure où les données circulent à la vitesse de la lumière et où le numérique s’impose comme le cœur battant de toutes les organisations, une notion s’impose de plus en plus dans le débat public : la souveraineté numérique. Derrière ce terme parfois galvaudé se cache pourtant une réalité complexe, aux implications politiques, économiques et stratégiques profondes.
Alors que de nombreuses entreprises françaises – parfois sans même le savoir – confient leurs données à des géants du cloud soumis au droit américain (comme le Cloud Act ou le Patriot Act), la question de la protection des données ne peut plus être considérée comme un simple enjeu technique. Elle devient un sujet de sécurité, de confiance, mais aussi de résilience face à des logiques d’extraterritorialité parfois opaques, et fortement influencées par le contexte politique des États-Unis.
Dans cet article, nous vous proposons de décortiquer la notion de souveraineté numérique : ce qu’elle recouvre réellement, les risques concrets liés au recours à des services extra-européens, et les alternatives existantes – qu’elles soient françaises, européennes ou open source – pour bâtir une stratégie numérique réellement souveraine.
Qu’est-ce que la souveraineté numérique ?
La souveraineté numérique désigne la capacité pour un État, une entreprise ou un individu à contrôler ses propres données, ses infrastructures numériques, et les règles qui s’y appliquent. Elle implique de ne pas dépendre exclusivement de technologies ou de services soumis à des juridictions étrangères, et d’être en mesure de garantir la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité des systèmes d’information critiques.
Autrement dit, c’est le droit – et la capacité – de choisir ses outils numériques, de maîtriser l’accès à ses données, et d’assurer que les lois qui s’y appliquent sont celles du pays où elles sont produites, hébergées et exploitées.
Cette notion s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, où les géants du numérique américains et chinois dominent l’essentiel du marché mondial du cloud, des logiciels et des plateformes. En réponse, des initiatives émergent en Europe pour reconquérir une part de cette indépendance stratégique, à travers des projets comme Gaia-X, l’ANSSI, ou des fournisseurs souverains.
La souveraineté numérique ne se limite donc pas à une simple question d’hébergement ou de choix technologique. Elle interroge notre capacité collective à préserver notre autonomie décisionnelle, économique et démocratique à l’ère numérique.
📌 Les 3 piliers de la souveraineté numérique
Pour comprendre ce qui est réellement en jeu lorsqu’on parle de souveraineté numérique, il est essentiel d’en identifier les trois piliers fondamentaux :
🔐 1. Les données
- Localisation : où sont-elles stockées ?
- Sécurité : sont-elles chiffrées ? Qui y a accès ?
- Juridiction : quelles lois s’appliquent ?
💡 Sans maîtrise des données, il n’y a pas de souveraineté possible.
🏗️ 2. Les infrastructures
- Serveurs, réseaux, datacenters, cloud…
- Hébergés par qui ? Sur quel territoire ?
- Quelle résilience face aux pressions extérieures ?
💡 Dépendre d’infrastructures non-européennes, c’est accepter un risque systémique.
🧠 3. Les logiciels
- Solutions propriétaires vs open source
- Transparence du code, liberté d’usage
- Évolutivité et indépendance technologique
💡 Utiliser un logiciel, c’est faire confiance à celui qui le développe. Mieux vaut savoir à qui.
Bon réflexe : choisir des solutions françaises ou européennes, favoriser l’open source et vérifier où sont hébergées vos données.
C’est déjà un pas vers plus d’indépendance et de sécurité numérique.
Le danger invisible : quand le cloud américain met en péril nos données
Aujourd’hui, une large part des entreprises françaises et européennes utilisent – parfois sans le savoir – des services hébergés ou opérés par des fournisseurs américains (Amazon Web Services, Microsoft Azure, Google Cloud, etc.). Ces géants du cloud offrent des outils performants, attractifs… mais aussi soumis au droit américain, même lorsque les données sont hébergées en Europe.
Cloud Act, Patriot Act : une extraterritorialité assumée
Les lois comme le Cloud Act ou le Patriot Act permettent au gouvernement américain d’exiger l’accès à des données détenues par des entreprises américaines, peu importe où ces données sont stockées dans le monde.
Cela signifie qu’un tribunal américain peut forcer une entreprise comme Microsoft ou Google à fournir les données d’une entreprise française, même si elles sont hébergées dans un datacenter en France.
Et cela se fait sans toujours avertir le client concerné.
L’exemple du DOGE : quand la loi devient un outil politique
En janvier 2025, le président Donald Trump a créé le Department of Government Efficiency (DOGE), une entité temporaire visant à moderniser les technologies fédérales et à maximiser l’efficacité gouvernementale. Elon Musk a été nommé pour diriger cette initiative, avec pour mission de réduire les dépenses fédérales et d’améliorer la productivité des agences gouvernementales. The White House
Le DOGE a rapidement pris des mesures controversées, notamment en accédant à des systèmes de données sensibles et en mettant en œuvre des réductions massives de personnel dans des agences clés comme la Social Security Administration (SSA). Ces actions ont suscité des critiques, notamment de la part de l’ancien président Joe Biden, qui a dénoncé la démolition des ressources de la SSA comme une trahison des promesses nationales. Reuters
De plus, le DOGE a été accusé de manipuler des informations pour justifier ses actions. Par exemple, il a récemment revendiqué la découverte de 382 millions de dollars de fraudes aux allocations chômage, des cas déjà identifiés par les autorités fédérales des années auparavant. Associated Press
Cet exemple illustre comment une entité gouvernementale, dirigée par une figure technologique influente, peut utiliser des lois et des politiques pour servir des objectifs politiques spécifiques. Pour les entreprises européennes, cela souligne les risques potentiels liés à la dépendance à des services cloud soumis à des juridictions étrangères, où les données pourraient être utilisées ou manipulées en fonction des intérêts politiques du moment.
Quelles alternatives pour une stratégie numérique souveraine ?
Face aux risques soulevés par l’usage de technologies sous juridiction étrangère, plusieurs voies s’offrent aux entreprises et institutions souhaitant reprendre le contrôle de leur patrimoine numérique. Cela ne passe pas nécessairement par un rejet complet du cloud ou une rupture brutale, mais par une prise de conscience stratégique, et des choix éclairés en matière d’infrastructure, de gouvernance et de technologie.
Repenser l’usage du cloud
Le cloud – qu’il soit public, privé ou hybride – reste une solution pertinente pour de nombreux cas d’usage : agilité, scalabilité, disponibilité, etc. Mais sa souveraineté dépend de qui l’opère, où les données sont stockées, et sous quelle juridiction il est soumis.
Il est donc essentiel d’évaluer :
- la localisation effective des données,
- les clauses de réversibilité (peut-on changer de prestataire sans tout perdre ?),
- la transparence du modèle économique (qui a accès aux données ?),
- et la compatibilité avec les exigences réglementaires européennes.
Une stratégie souveraine n’exclut pas le cloud, mais exige de ne pas s’y reposer les yeux fermés.
La souveraineté numérique passe aussi par l’auto-hébergement
Tout n’est pas destiné à être externalisé dans le cloud. Pour certains usages – notamment sensibles ou stratégiques – il peut être pertinent d’héberger et d’exploiter soi-même ses données et ses services.
Cela permet :
- un contrôle total sur les accès, la sécurité et les mises à jour,
- une meilleure résilience face à des ruptures contractuelles ou géopolitiques,
- et une indépendance juridique vis-à-vis des fournisseurs tiers.
Certes, cela demande des compétences internes ou des partenaires de confiance, mais cela participe pleinement à une approche souveraine du numérique, surtout dans les secteurs critiques.
L’open source : un levier stratégique trop souvent sous-estimé
L’open source est souvent réduit à une image technique ou communautaire. En réalité, il constitue un atout stratégique majeur pour toute organisation souhaitant renforcer son autonomie numérique.
En optant pour des logiciels open source :
- on peut auditer le code, vérifier ce qu’il fait réellement,
- on évite les verrous propriétaires et les coûts de licences parfois opaques,
- et surtout, on peut adapter les outils à ses besoins spécifiques, voire contribuer à leur évolution.
L’open source favorise aussi l’interopérabilité, la pérennité des données et la mutualisation des efforts au sein d’écosystèmes partagés.
Conclusion : une démarche guidée, pas à pas
Chez Forget About IT, nous comprenons pleinement les enjeux complexes et stratégiques que soulève la souveraineté numérique. Derrière les questions techniques se cachent des décisions cruciales pour la pérennité, la sécurité et l’indépendance de votre organisation.
C’est pourquoi nous accompagnons nos clients – entreprises, institutions et structures publiques – dans une démarche sur mesure, adaptée à leur maturité numérique et à leurs priorités.
Qu’il s’agisse d’évaluer les risques liés aux solutions existantes, d’identifier des alternatives plus souveraines, ou de planifier une transition progressive vers un modèle de confiance, nos experts sont là pour vous guider.
Vous souhaitez reprendre le contrôle de votre environnement numérique ?
Faites le choix d’un partenaire qui place la souveraineté au cœur de ses engagements.
FAQ : Questions sur la Souveraineté Numérique
La souveraineté numérique désigne la capacité d’un acteur (entreprise, État, organisation) à contrôler ses données, ses infrastructures et ses outils numériques, sans dépendance vis-à-vis de juridictions ou fournisseurs étrangers.
Les fournisseurs de cloud américains sont soumis à des lois extraterritoriales (Cloud Act, Patriot Act) qui leur imposent de transmettre des données aux autorités US, même si celles-ci sont hébergées en Europe.
Pas nécessairement. Certaines données peuvent rester dans un cloud, à condition qu’il respecte la législation européenne et garantisse une maîtrise totale des accès, du stockage et de la réversibilité.
Oui, si l’opérateur est établi en Europe, soumis aux lois européennes, et offre des garanties sur l’autonomie, la localisation des données et la transparence de ses services.
L’open source permet d’auditer le code, de limiter les dépendances propriétaires et de personnaliser les outils selon ses besoins, tout en favorisant l’interopérabilité et la sécurité.
Pas forcément. L’auto-hébergement peut représenter un investissement initial plus élevé, mais il garantit une maîtrise à long terme des coûts, des performances et de la sécurité.
Un audit de votre environnement numérique permet d’identifier les dépendances critiques, les fournisseurs non-européens, et les éventuels points de fragilité en matière de souveraineté.
Oui. Nous proposons un accompagnement personnalisé pour vous aider à évaluer vos pratiques actuelles, construire une feuille de route souveraine, et mettre en œuvre les bonnes solutions de façon pragmatique et progressive.